Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Notes de chevet par Sei Shônagon

traduction et commentaires par André Beaujard

Connaissance de l'Orient Gallimard/Unesco, 1966

 

 

Présentation de l'éditeur:

Dans une traduction extrêmement élégante d'André Beaujard, nous présentons au lecteur français un des plus beaux livres de la littérature japonaise, les Notes de chevet de Sei Shônagon. Composées dans les premières années du XIe siècle, au moment de la plus haute splendeur de la civilisation de Heian, au moment où Kyôto s'appelait Heiankyô, c'est-à-dire «Capitale de la Paix», par une dame d'honneur, Sei Shônagon, attachée à la princesse Sadako, laquelle mourut en l'an 1000, les Notes de chevet appartiennent au genre sôshi, c'est-à-dire «écrits intimes». Avec Les heures oisives de Urabe Kenkô et les Notes de ma cabane de moine de Kamo no Chômei, les Notes de chevet de Sei Shônagon proposent, sous forme de tableaux, de portraits, d'historiettes, de récits, une illustration du Japon sous les Fujiwara.
Avec l'auteur du Roman de Genji, Noble Dame Murasaki, Sei Shônagon est une des plus illustres parmi les grands écrivains féminins du Japon. Si l'auteur du Roman de Genji est constamment comparé, dans son pays, à la fleur du prunier, immaculée, blanche, un peu froide, Sei Shônagon est égalée à la fleur rose, plus émouvante, du cerisier. Ceux qui liront, nombreux nous l'espérons pour eux, les Notes de chevet sont assurés de découvrir un des plus beaux livres jamais écrits en langue japonaise, et qu'une introduction et des notes leur permettront de goûter dans le plus intime détail, y compris tous les jeux subtils sur les mots.

 

Mon avis :

Ces notes de chevet ont été écrite par une dame d'honneur appartenant à la cour impériale du Japon, dans les premières années du XIème siècle. Il s'agit d'un journal poétique d'une infinie beauté.

 

Nous assistons à de véritables portraits de l'époque, ceux des paysans, des courtisans, les processions, cérémonies et autres fêtes. Les enfants courent, cueillent des rameaux de pêcher, tandis qu'un chat tire sur une corde et un moineau chante. Elle nous enchante aussi par des descriptions et des tableaux d'époque, de montagnes et de plaines, de gouffres et d'étangs, de cascades et de rivières, de fleurs des herbes et de sources chaudes. De baies, de formules magiques, de contes et de mélodies. De sanctuaires shintoïstes et de temples boudhistes. De la lune et des étoiles. Des éventails en bois de tuya et d'instruments à cordes...

 

Elle file les mots comme des perles de rosée sur le fil du temps et nous dresse une liste de choses particulières, de réflexions, de choses désolantes ou dont on néglige la fin. De choses qui font battre le cœur ou qui font naître un doux souvenir du passé. De choses rares et dont on n'a aucun regret. D'autres qui paraissent agréables ou qui ont une grâce raffinée. De choses qui émeuvent profondément ou que l'on entend parfois avec plus d'émotions qu'à l'ordinaire. De choses qui gagnent à être peintes ou qui remplissent l'âme de tristesse. De choses qui distraient dans les moments d'ennui, qui sont les plus belles du monde ou que l'on a grande hâte de voir ou d'entendre.

De choses qui sont éloignées bien que proches ou qui sont proches bien qu'éloignées.

De choses qui sont bonnes quand elles sont grandes ou qui doivent être courtes. De choses qui ne font que passer ou que les gens ignorent profondément. De choses qui donnent confiance ou rendent heureux. De choses vénérables et précieuses aussi bien que de choses difficiles à dire ou effrayantes...

 

Quelques passages poétiques :

Choses que l'on ne peut comparer.

L'été et l'hiver. La nuit et le jour. La pluie qui tombe et le soleil qui brille. La jeunesse et la vieillesse. Le rire et la colère. Le noir et le blanc. L'amour et la haine. La renouée et l'arbre à liège. La pluie et le brouillard.

On n'aime plus une personne, c'est toujours la même et il vous semble cependant que c'est une autre.(...)

 

Choses qui semblent pures :

(…) La lumière qui passe au travers de l'eau qu'on verse.

 

Choses ravissantes :

(…) Un jeune page du Palais, pas très grand, qui passe, en tenue de cérémonie. C'est charmant.(...)

On cueille, dans un étang, une feuille flottante de lotus, tout petite, et on la regarde.(...)

 

Occasions dans lesquelles les choses sans valeur prennent de l'importance

(…) Les dames qui escortent, à cheval, l'Empereur quand il sort de son palais. (…)

Les bonzes qui apportent les « bâtons porte-bonheur »(...)

 

Choses qui rendent heureux

La joie me troublait l'esprit, et comme je me sentais en état de répondre convenablement, j'écrivis ces simples mots :

« Par la grâce

De la Déesse révérée,

Dont j'ose à peine parler,

Je vivrais sûrement

Aussi longtemps que la grue »

 

Choses qui paraissent agréables

(…)

« Quand les montagnes

De la sœur cadette et du frère aîné s'écroulent,

On ne reconnaît plus du tout,

Entre elles deux, En voyant leurs relations,

La rivière de Yoshino

Ces gens qui s'aimaient autrefois »

 

Peut-être Sei s'est-elle inspiré d'une poésie du Kokinshû, nous explique le traducteur.

 

Une seule idée nous vient en refermant les pages du livre :

Tenir un journal poétique identique en dressant la liste de tous nos petits mots et maux, de nos émotions et sentiments, de petits haïkus piochés dans les vallées des tourments,...

 

Bonne lecture et bonne promenade dans le paysage nippon du XI ème siècle et à vos plumes !

 

Tag(s) : #Japon, #Panthéon, #Poésie-Fables-Haïkus

Partager cet article

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :